mardi 22 juillet 2008

Nemuro et l'archipel des brumes


À l'extrémité est du Japon, sur l'île la plus septentrionale Hokkaido, il y a le cap Nosappu et au-delà, l'archipel des brumes. Quatre îles des Kouriles du sud, aujourd'hui russes depuis que l'Armée Rouge les a conquises juste après la fin de la guerre  en 1945 et en a fait son trésor de guerre. Des positions hautement stratégiques puisqu'elles contrôlent l'accès entre la mer d'Okhost et le Pacifique. Ces îles, Kunashiri, Etorofu, Shikotan et Habomai, autrefois japonaises et depuis vidées de leur population, sont revendiquées par le Japon. Partout dans le port de pêche de Nemuro, à 20 km de là, s'affichent des slogans en japonais et russe, jusque sur la façade de l'hôtel de ville. "Ces îles sont à nous, rendez-les nous !". On peut même remarquer que sur les cartes météo à la télévision, les îles font partie intégrantes du Japon !
Au cap Nosappu brûle une flamme éternelle symbolisant l'attachement aux îles. Ces îles qu'on ne peut qu'imaginer dans un océan de brumes. Des groupes de Japonais viennent ici en pèlerinage sonner la cloche de l'espoir, un appel vers ces îles invisibles. C'est un endroit où l'histoire est en marche. Les Japonais ne cessent de réclamer leur rétrocession et ont inscrit le sujet unilatéralement lors du dernier sommet du G8, précisément à Hokkaido, ce qui a fortement déplu à la délégation russe.
Il y a eu quelques avancées, des rencontres, dégels et espoirs bien qu'en août 2006 un pêcheur japonais ait été abattu par des militaires russes à quelques encablures du cap Nosappu. Mais aujourd'hui, ces îles, qui représentent environ 5000 km2 soit 1,3% du Japon et 0,03% du territoire russe, sont toujours la pierre d'achoppement qui empêche la signature d'un traité de paix depuis 63 ans.
Les îles sont quasi inhabitées, quelques militaires russes échoués et une population de 17000 habitants oubliés de Moscou qui se tournent vers le Japon si proche pour se ravitailler. Au large du cap en hiver dérivent des blocs de glace, le climat est rude et sur les îles les infrastructures quasi inexistantes.
À Nemuro, les panneaux sont bilingues, les écoles accueillent des enfants russes et un centre culturel a même été crée pour rapprocher les deux peuples. Mais le statu quo est complet.
Au delà de la politique, c'est bien le commerce qui prévaut. Les eaux froides sont particulièrement poissonneuses et on y trouve le crabe géant d'Hanasaki, très prisé des Japonais, mais aussi des Chinois ou Coréens. Les bateaux russes les débarquent à Hanasaki, port de pêche situé à 5km de Nemuro sur le Pacifique, et repartent vers les îles avec vivres et équipement. Seuls quelques Japonais triés sur le volet peuvent se rendre sur les terres de leurs ancêtres épisodiquement, selon les autorisations délivrées par les Russes.
Le bout du monde est noyé dans les brumes et celles-ci ne sont pas prêtes à se dissiper...

À écouter, ambiance au cap Nosappu, face aux îles.

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